Hollywood contre les IA : MiniMax dans le viseur des studios pour violation de droits d’auteur

Les géants Disney, Warner Bros Discovery et Universal ont déposé plainte contre l’entreprise chinoise MiniMax, éditrice du générateur vidéo Hailuo AI. En cause : l’entraînement de l’IA sur des contenus protégés et la génération d’images proches de personnages emblématiques. Après Midjourney, c’est un nouvel affrontement qui pose les bases de la régulation de l’IA à l’échelle mondiale.

MiniMax, la start-up chinoise qui fait trembler Hollywood

La société MiniMax, basée à Shanghaï mais également implantée à Palo Alto en Californie, développe Hailuo AI, un générateur de vidéos alimenté par intelligence artificielle. À l’instar de Runway ou Pika, il permet à ses utilisateurs de créer des vidéos courtes, stylisées, à partir de simples prompts textuels.

MiniMax se présente comme un acteur innovant, spécialisé dans les modèles multimodaux. Elle aurait levé plus de 250 millions de dollars depuis 2022, attirant des investisseurs chinois majeurs dans la course à l’IA. Mais son modèle d’entraînement est aujourd’hui au cœur d’une controverse juridique inédite.

L’entraînement sur des contenus protégés sans autorisation

Dans la plainte déposée le 13 septembre 2025 devant le tribunal fédéral de San Francisco, Disney, Warner Bros Discovery et NBCUniversal accusent MiniMax d’avoir entraîné son IA à partir de films, séries et œuvres audiovisuelles protégées appartenant aux studios.

Autrement dit : des heures de contenus ont été copiées, ingérées et analysées par le système, sans aucune licence, ni autorisation préalable.

L’objectif ? Permettre à l’IA d’identifier des styles narratifs, des mouvements de caméra, des structures de plan et surtout des univers visuels très spécifiques – ceux qui font la signature des franchises hollywoodiennes.

Des personnages iconiques générés à la demande

Mais l’enjeu ne se limite pas à l’entraînement. Les plaignants dénoncent aussi le fait que les utilisateurs de Hailuo AI peuvent générer des vidéos intégrant des personnages proches – voire quasi identiques – à ceux de leurs licences : princesses Disney, super-héros Marvel, créatures fantastiques…

Ces créations, parfois partagées sur les réseaux sociaux, flirtent avec la contrefaçon. Elles permettent, avec une simple requête, de recréer l’apparence, les attitudes ou les codes graphiques d’un personnage soumis au droit d’auteur et au droit des marques.

Pour les studios, il s’agit là d’une exploitation commerciale abusive, qui porte atteinte à la valeur de leurs franchises, tout en échappant à toute forme de contrôle éditorial ou artistique.

Disney a déjà attaqué Midjourney

MiniMax n’est pas un cas isolé. En juin 2025, Disney et NBCUniversal avaient déjà déposé plainte contre Midjourney, le célèbre générateur d’images IA basé à San Francisco. Là aussi, les griefs portaient sur :

  • L’utilisation non autorisée d’œuvres protégées pour entraîner le modèle ;
  • La capacité de Midjourney à générer des illustrations directement inspirées de l’univers de franchises comme Star Wars, La Reine des Neiges ou Shrek.

Ce double front judiciaire montre une stratégie offensive : Disney et les autres majors veulent désormais encadrer strictement l’usage de leurs contenus dans l’économie de l’IA.

L’IA générative repose entièrement sur la donnée

Ce type d’action judiciaire pose une question essentielle : comment fonctionne une IA générative ?

Que ce soit pour créer une image, un texte ou une vidéo, une IA a besoin d’être entraînée sur des millions de données. Pour un générateur d’image, cela signifie des illustrations, des photos, des affiches. Pour un générateur vidéo, cela implique souvent des extraits de films ou des séquences animées.

Ces données permettent au modèle d’apprendre à reconnaître des formes, des enchaînements, des styles, des motifs, qu’il pourra ensuite “mixer” pour produire une nouvelle création.

Mais dans bien des cas, les bases de données utilisées ne sont ni publiques, ni libres de droits. Et les entreprises d’IA ne dévoilent pas toujours leurs sources.

Le retour de bâton d’industries devenues très lucratives

Pendant longtemps, les développeurs d’IA ont pu s’abriter derrière des zones grises juridiques. L’idée : entraîner un modèle n’est pas une reproduction, surtout s’il ne restitue pas à l’identique une œuvre donnée. Mais cette défense ne convainc plus.

Car aujourd’hui, ces technologies ne sont plus expérimentales. Elles deviennent des produits commerciaux. Et dans bien des cas, elles font de l’argent avec des contenus dont elles ne détiennent pas les droits.

Midjourney vend des abonnements. Runway propose des API. MiniMax prépare une version pro de Hailuo AI. Dans tous les cas, ce sont les données protégées des autres qui ont servi de carburant à la machine.

D’où le retour de bâton juridique : les détenteurs de droits (studios, éditeurs, artistes, photographes) passent à l’action pour récupérer leur part.

Vers un marché de la licence IA ?

Ce bras de fer devrait se poursuivre dans les mois à venir. Il pourrait déboucher sur :

  • Des accords de licence généralisés : les IA paieront pour accéder à des bibliothèques de contenus (comme OpenAI le fait déjà avec Shutterstock ou le Financial Times).
  • Des obligations de transparence sur les données d’entraînement.
  • Des outils de filtrage pour empêcher la reproduction de personnages ou d’univers protégés.

C’est aussi un moment clé pour les législateurs, aux États-Unis comme en Europe, qui doivent définir les contours du “fair use” à l’ère de l’intelligence artificielle.

Conclusion

L’intelligence artificielle générative est à la croisée des chemins : entre l’innovation et le pillage. Les plaintes successives de Disney montrent qu’un nouvel équilibre est à trouver. Car si les modèles ont besoin de données pour apprendre, ces données ont une valeur – et souvent un propriétaire.

Le temps du Far West algorithmique touche à sa fin. L’IA va devoir, elle aussi, payer ses droits d’entrée dans l’économie de la création.